Ne pas jouer sur le monument
« Un monument aux morts n’est pas un lieu de spectacle ! » Voire…
C’est en tout cas l’avis du président d’une association d’anciens combattants qui – découvrant la fresque qui recouvrait le mémorial à l’issue de notre intervention – déposait plainte pour « profanation de monument ».
Le corps du délit ? « La photo d’une femme dépoitraillée, se faisant pincer le bout des seins avec des tenailles ».
En l’occurrence : une reproduction du Martyr de Sainte Agathe, que l’on peut admirer – en tout bien tout honneur – sur un vitrail de la cathédrale de Moulins.
La polémique éclate à Vieux-Condé, au lendemain du festival « Les Turbulentes » où nous venons de présenter Mémento. Le monument en question – dûment protégé par un coffrage en contreplaqué – sert de support à l’une des fresques de Mémento : une évocation du rôle des femmes dans la Résistance, et de celles qu’on a tondues quand tout le monde est devenu Résistant.
Le choix du mémorial de Vieux-Condé, pour accueillir cette scène, s’est donc imposé de lui-même : sa symbolique, comme la place qu’il occupe dans la ville, s’accordant au propos comme à la forme de notre intervention.
Deux ou trois raisons à cela.
Parce que la mémoire n’appartient pas aux mémorialistes, mais au premier venu qui saura l’entretenir.
Parce que le devoir de mémoire ne s’exerce pas les seuls 11 novembre et 8 mai dans les limites fixées par le service du protocole de la préfecture.
Parce que nous refusons de nous cantonner aux aires de jeu labellisées « arts de la rue », mais souhaitons, au contraire, nous immiscer dans le quotidien à la rencontre d’un public non averti.
Parce que nous le faisons en connaissance de cause, sans provocation ni préjudice, avec l’accord et la confiance de Virginie Foucault, la directrice du festival.
Donc, le jour dit, nous intervenons dans l’espace public, sur un monument républicain, autour d’une mémoire partagée.
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Le 3 mai, deux jours après notre intervention, le président d’une association d’anciens combattants d’une commune voisine de Vieux-Condé porte plainte contre X. Une dépêche AFP s’en fait l’écho, largement reprise dans la presse, avec les cris d’orfraie que l’on imagine. |
| Le 5 mai, la Voix du Nord remet les pendules à l’heure, sous la plume de Diane Lenglet. Évoquant le sort des Résistantes, renvoyées dans leur foyer à la Libération, elle écrit à juste titre : « Où faut-il donc leur rendre hommage, s’il est offensant de la faire sur un monument aux morts ? Près d’une laverie automatique ? Un magasin d’électroménager ? » |
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Le 7 mai, l’association des anciens combattants du pays de Condé se désolidarise de la plainte. |
Fermez le ban.
Post-scriptum : depuis la création de Mémento en 2009, le Martyr de Sainte Agathe aura « profané » - en toute impunité – l’enceinte d’une église, la cour d’une ancienne abbaye, le mur d’une école primaire, la façade d’un musée de la Résistance, et tout à l’avenant…
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