A l’origine de PlayRec, il y avait cette idée de faire un documentaire sur ce lieu, sur les gens qui y ont travaillé, l’idée que ces espaces portent une histoire vouée à disparaître...
On est allé sur place et puis on a fouiné dans ce qui restait là : collecte de papiers, d’emballages, on filme, photos. Il y a ce type dont tout le monde nous parlait et qui passait bien à la caméra. Mais comme on voulait, naïfs, être au plus proche de la « vraie histoire », sans mythologie, mystification, alors on est parti dans les rues - errance : questionner, poser des affiches, frapper aux portes, chercher, puis trouver le type qui a passé trente ans dans la boîte et à qui on n’a jamais demandé son avis.
On les a interviewés une fois, deux fois, trois fois. Et au fil des tournages, quelque chose s’est brouillé dans nos têtes. Ces vieux avec leur histoire, le bon temps, la franche camaraderie, les luttes, les croyances en des lendemain qui chantent... Un drôle de goût dans la bouche, « erase », mon pote, fini, efface tout ça, table rase.
Plus je regardais ces images, moins j’écoutais ces histoires et plus c’est la mienne que j’entendais, qui a fait de moi ce que je suis aujourd’hui, enfant du XXe, de ce siècle qui a balayé toutes les croyances, les illusions, ce siècle champ de ruine. Plus je regardais ces images, et plus je voyais que même si on vient des quatre coins de la France pour faire ce projet, même si il y a là des vidéastes, des constructeurs, des graphistes, on a quand même ça en commun, ce regard un peu désabusé face à l’histoire passée, ce sourire un poil ironique face à l’histoire à venir...
On a tout planté là.
On s’est fâché avec le commanditaire qui pensait qu’on allait faire un son et lumière sur le patrimoine de sa ville, on a pris les vieux avec nous et on est allé sur place, sur le terrain de la friche. En pleine nuit. On a commencé par barbouiller les murs de blanc. On s’est autoproclamé archéologues du XXIe, on s’est déclaré légitimes de raconter l’histoire encore une fois, mais à notre manière. On a commencé à bricoler une machine, un film, un dessin... Et puis il y a eu cette idée de fresque.